(Poème) Le couperet est tombé
Parce qu'un poème, ça s'écoute d'abord :
Ca y est, le couperet est tombé,
L'électronique de la traître balance a parlé.
Rien d'humain dans ses sombres affichages.
Elle ne sait pas mentir, cette frigide bravache,
Au centigramme près elle vous pèse votre poids,
Qu'il soit toi, qu'il soit moi, qu'il soit quoi que ce soit,
Elle traite également les manants et les rois.
Vous lui montez dessus, plein d'une douce confiance,
D'une belle assurance d'au moins 18 bons mois,
Des efforts endurés, vous êtes rempli d'espoirs,
Et sans l'ombre d'un remord,elle vous glace d'effroi.
O Dieu ! que la vérité est moche parfois...
Sa sentence en mon ventre est comme une cravache,
Et qui fouette et qui fouette tous ces très jolis plats,
Que je vois s'envoler effrayés, loin de moi.
Pour les mois à venir point de franches ripailles;
Et les fêtes qui approchent me regardent goguenardes,
Je les vois qui me fuient les poulets, les canards
Cuits comme je les aime, croustillants et bien gras.
Ah Mademoiselle Munster ! Ah Dive bouteille ! Dame Quatre heure ! Et son amie Chocolat ?
Ces beautés bien en chair, regardent mon œil grivois,
Elle n'attendent qu'un geste, qu'une parole de ma part;
Leurs appâts succulents sont à portée de bras,
Et je tourne de l’œil, c'est fini, c'est trop tard,
Nos amours impossibles meurent les bras en croix :
« Mes belles, ne me quittez pas, ne vous enfuyez pas,
Mon cœur est tout à vous, plus encore l'estomac,
Mon amour n'est pas mort, je sens son pouls qui bat,
Revenez près de moi, recollons les éclats. »
Cependant la brute épaisse a fait son œuvre.
Je dois accepter l'équivoque départ.
Il m'en fallait plusieurs, je reste seul et blafard.
A trop embrassé, j'ai étreint la vapeur,
Les légumes de demain, et des repas sans beurre.
Le régime du gourmet était Bérézina.
Le gourmand est trop gras, le docteur n'en veut pas.
Oui, je suis coupable ! Je le reconnais, la mort dans l'âme,
Du péché de fourchette et aussi de bonne table.
La balance a parlé et c'est la débandade.
Il me faut moins manger, pour rester raisonnable.
Ah qu'il va être dur ce célibat.
Qu'elles vont être longues ces terribles fiançailles,
La mariée est bien laide, on voit ses côtelettes,
Pour ma bouche affamée, point de formes rondelettes,
Mais du jus de betterave, des soupes à la grimace,
De l'envie, des regards, et des cris d'estomac.
L'absolution ne sera obtenue qu'après longues pénitences,
Le pécheur à genoux mérite ses souffrances,
La divine nature lui retiendra tout écart de saveur,
Spectateur miséricordieux soutient-le de ton cœur.