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Au fil de mes abandons et de mes (nobles) révoltes
22 avril 2019

Volonté

Ma grand-mère s'accroche, encore, à ses illusions, alors que son corps n'en peut plus.

La brutalité d'un être est toujours en passe de s'imposer chez lui. L'humain progresse en abandonnant tous ses vouloirs ridicules. Sinon il reste un esclave qui s'ignore. Surtout à la fin. 

Pour tout dire, je n'ai jamais connu une personne qui se plaignait autant. Je n'ai jamais connu une personne qui décidait autant pour elle. Je n'ai jamais connu quelqu'un qui avait si peu de maîtrise sur sa vie.

Chez ces êtres, la vieillesse est le pire des naufrages, car cette période à laquelle elles arrivent souvent de par leur caractère, met en évidence une impuissance qu'elles rejetaient avec force depuis toujours. Dès lors, leurs reproches envers le monde sont sans fin. Et leur entourage jouit de se sentir supérieur face à une telle irrésolution, juste avant de fuir, le plus rapidement possible, quand il est bien rassasié.

Ma grand-mère n'est capable de faire confiance qu'à des gens qui la trahissent, ce qui lui permet de valider sa vision pessimiste des rapports humains. Elle pousse aussi les gens à la trahir quand cela lui évite de prendre ses responsabilités.

En un sens, il n'y a rien de plus opposé que volonté et responsabilité. Les personnes volontaires n'en font qu'à leur tête. Elles ne se posent pas de questions sur le bien et le mal, ce questionnement étant vécu comme une menace pour leur pouvoir. Les personnes responsables quant à elles, doivent s'extraire de tout ego pour prendre des décisions. Il leur faut s'abandonner. 

Notre monde ressemble beaucoup à ma grand-mère. Il ne cesse de nous suggérer "quand tu veux tu peux", mensonge d'une société impie incapable de se tourner vers Dieu pour grandir en responsabilité. Dans ce microcosme hors de l'histoire, l'acte de consommation est le saint grâal, l'acte vivifiant par essence, qui consacre le vouloir de l'être. Une mécanique tournée vers la mort et qui ne cesse de l'ignorer. Cette contradiction se place entièrement dans l'agir qui n'est pas un mal en soi, mais qui sanctifié, tout comme peut l'être la réflexion seule, stérilise une famille, par l'obligation qui est faite à chacun de ses membres d'exclure ce proche gênant son mouvement.

Paradoxalement, cette consommation fainéante n'est pas contradictoire avec un agir tout puissant. Ils se rejoignent dans un abrutissement de l'être qui travaille sans savoir pourquoi, pour se payer des objets qui justifient son néant. Tout se résume alors à gagner de l'argent, en posséder, pour être quelqu'un, alors que ce qui caratérise ce genre de personne, c'est le vide.

Ma grand-mère ne sort pas des recettes de vie qui lui ont été léguées, et elle fait bien. L'expérience du passé possède une intelligence qui la dépasse et qui la sauve de son aspiration profonde à l'anéantissement. Elle lui doit sa survie et s'y raccroche modicus. Sans ça, son état dépressif serait devenu dépression et suicide. 

Voilà aussi ce qui nous éloigne. Elle applique des recettes jusqu'à la mort, tandis que la prise de risque est une seconde nature chez moi. Nos vécus s'opposent. Elle n'a jamais su que compter sur elle-même. J'ai joué de la fragilité de mon existence. Elle s'est enferrée dans ses illusions. J'ai toujours voulu voir au-delà.

Il est certain qu'elle a réussi dans la vie, tel que le monde l'entend. Elle a eu une famille, un travail, de l'argent, un mari, des enfants, une maison. Quant à moi, j'ai échoué.

Cependant je suis heureux à ma place, tandis que toutes ses véléités gagnantes n'ont jamais réussi à la guérir de ses insécurités matérielles. Elle est restée malheureuse. Er malgré toutes ses conquêtes objective, elle suscite d'ailleurs la pitié. 

 

vouloirfinmin

 

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