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Au fil de mes abandons et de mes (nobles) révoltes
13 mai 2021

(Chanson) Angoulême Country roads Take me home, "Si tu tends l'oreille"

"Si tu tends l'oreille" est un film d'animation japonais qui m'a beaucoup touché. Alors j'ai décidé de faire un peu comme la jeune fille du scénario (H Miyazaki ne se gène pas pour la faire parler, alors...) et j'ai repris "Country roads take me home" à ma sauce (voir tout en bas).


Et du coup, je me suis aussi amusé à naviguer au hasard sur les serveurs vidéos à la recherche de ce qui avait déjà été créé sur le sujet. Le résultat a renforcé ma conviction : il faut une culture bien particulière pour toucher à l'universel. Les Américains ont créé cette chanson et arrivent à en sortir des versions intéressantes parce qu'elle retranscrit parfaitement leur état d'âme. Les autres sombrent au mieux dans le plagia talentueux ou au pire dans le ridicule.


Un peu à part, il y a les versions étrangères, "adaptées" jusqu'à la trahison, qui sont des réappropriations plus ou moins heureuses, comme ma version. Là, les différences culturelles sont criantes. Pour les Américains : des paroles simples, un esprit baroudeur, aventurier pour faire cliché, un ton qui va avec, du professionnalisme (le son et les arrangements sont parfaits), un vent de liberté. La version japonaise célèbre l'individu qui s'arme de tout son courage pour avancer et va jusqu'au bout de son destin sans revenir en arrière. A ce point qu'elle est en opposition complète avec la chanson originale toute emprunte de nostalgie. En sus, le chant ou la musique ne présentent aucune aspérité, et cependant une technicité parfaite très agréable pour l'auditeur. 

 mimiwosumaseba

Quant à moi, en tant que Français, je vois bien que je n'ai pas pu m'empêcher de tourner autour du thème du terroir, l'individu qui a souffert mais s'est relevé après moult épreuves, certainement grâce au pardon, et puis aussi la volonté de bien faire, une certaine naïveté/bonne volonté, un retour aux sources bienfaisant etc... 


En vérité, lors d'une création artistique, l'excellence ne s'atteint pas en travaillant n'importe quel thème au hasard, mais en creusant les questionnements qui nous sont propres, en tant que société. Une oeuvre d'art réussie n'est que la cerise sur le gâteau d'un héritage culturel approfondi génération après génération. Il n'y a pas de création spontanée, sauf très médiocre. Et il n'est pas possible non plus, de s'approprier une culture qui n'est pas la sienne pour la faire avancer plus loin, sauf sur plusieurs générations, en partant avec bien du retard... 


Il est dit que les Français ne savent plus chanter depuis qu'ils ne parlent plus leurs langues régionales. Voilà l'illustration parfaite d'une baisse du niveau culturel due à des idéologues qui auront voulu répandre artificiellement une culture par le haut. Une maison se construit par le bas. Ses briques ne descendent pas du ciel. D'ailleurs pour l'occasion, il a fallu que je me fasse violence pour ne pas chanter comme à la messe, tant je sentais que ce serait ridicule. Il faut dire que mon seul point de repère culturel vrai est là, tellement qu'en constatant ce défaut sur les premiers enregistrements, je n'ai pas pu m'en corriger complètement. Pour chanter comment d'ailleurs ? Ma voix est donc trop lisse et je ne peux m'empêcher quelques vocalises pour rendre le tout cohérent. Comme si c'était du grégorien. 


La forme de cette chanson country ne correspond pas à mon vécu culturel et je crois pouvoir dire que j'ai été très infidèle à la version originale, comme mon ami Hayao, surtout dans les paroles, non seulement parce que je ne voulais pas singer un Américain, mais en plus parce que j'en aurais bien été incapable sans sombrer dans la caricature. Et puis, ce qui plaît dans la version de John Denver, c'est son côté foncièrement enraciné, presque red neck. Ce qui plaît dans la version de Hayao Miyazaki, c'est son côté foncièrement japonais. Si je n'y suis pas arrivé ici, j'espère bien, un jour, exprimer mon côté foncièrement français charentais, car ce jour là je sais que j'aurai produit une oeuvre d'art qui aura une chance de passer les générations. La culture dite mondialiste, n'est qu'un faux semblant. 

 

 

 

 

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Commentaires
S
« Debussy écrivait en 1915 à l’auteur du Sacre : « Cher Stravinsky, vous êtes un grand artiste ! Soyez de toutes vos forces un grand artiste russe. C’est si beau, d’être de son pays, d’être attaché à sa terre comme le plus humble des paysans ! »… Quelle prémonition ! Stravinsky n’a-t-il pas été coupé par la révolution d’octobre des racines qui lui apportaient le plus de sève, transplanté dans un cosmopolitisme musical… qui ne lui offrait à résoudre que des problèmes de construction qu’il multiplia à plaisir, sans avoir rien à y exprimer en effet, puisqu’ils étaient extérieur à lui, étrangers à la première et seule source de poésie ? » Lucien Rebatet (Une histoire de la musique p726).
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