Dans les années 1950, ce plan de maison a été très utilisé.

Comme toutes les modes en architecture, il en dit long sur les aspirations des propriétaires concernés. Il en dit même long sur toute une société qui a largement utilisé ce genre de plan.

Mes grands-parents étaient des paysans qui ont été élevés dans la brutalité, descendants de petits propriétaires qui ont dû tirer le diable par la queue pour survivre. Contrairement à leurs propres parents qui ont quitté leur terre, chassés par la misère, eux sont restés sur place quasiment toute leur vie, comme régisseurs d'exploitations qui avaient grossies.

Pendant qu'une bonne partie de la France immigrait dans les villes, eux restèrent terrés. Insécurisés par les changements sociaux pour leur caste et par une éducation d'esclaves ensauvagés, ils n'eurent jamais la force d'aller trop loin. Ils appliquèrent les leçons du passé, méfiant d'évolutions qui n'avaient pas de sens ici.

Devenir propriétaires de leur maison, faire construire, fut un gage de reconquête par rapport au statut de leurs parents. Ils y attachèrent une importance primordiale et furent les premiers qui par leur travail et leur position dans la hiérarchie paysanne, purent le faire dans le village. Ainsi pendant que d'autres continuèrent longtemps à vivre dans des taudis, choisissirent-ils ce plan. Par ironie du sort, cette maison, ils l'habitèrent très peu durant leur activité, puisque le régisseur de la propriété dans laquelle ils travaillaient, pouvait bénéficier d'un logement de fonction gratuit, charges comprises. Ils vécurent donc à 500m de leur maison, et la récupérèrent après deux décennies d'abnégation à des locataires peu sourcilleux qui l'avaient régulièrement saccagée. Ils ne gagnèrent rien à l'avoir faite construire avant tous les autres. Elle fut surtout pour eux comme un totem signe de leur réussite matérielle. Ils n'achetèrent une voiture que bien après sa construction, et surtout des décennies après tous ces citadins qui bénéficiaient de ce confort depuis for longtemps.

Pour en revenir au plan à proprement parlé, vous voyez ici l'attachement au passé mêlé à la modernité. Je suis de l'avis de l'architecte René Fontaine qu'il faudrait éviter tous ces mélanges et quand ils sont inévitables, ne pas essayer de faire "comme si", mais bien marquer les différences. Mais ce plan absolument pas fonctionnel, plaisait à mes grands-parents, et à bien d'autres, surtout pour des raisons affectives, et non esthétiques ou pratiques. Il leur évoquait les maisons à balet de l'ancien temps, et la vie avec les bêtes (sic).

Cette mode arlequin les rassura et ils firent évoluer le lieu en fonction des pulsions qu'ils eurent sur le moment. Ainsi par exemple y-a-t-il deux maisons en une. Une à l'étage et une au rez-de-chaussée.

Comme il n'y avait plus de bêtes dans ce pavillon de banlieue, un poêle fut installé à leur place pour chauffer la maison. Cette grande surface vide qui devait leur être consacrée accueillit successivement du bois, du charbon, du fioul, puis servit de garage comme il était prévu initialement, avant de devenir un débarras entourré de pièces à vivre. Sa position centrale, inspirée d'une fonction surannée, brisa à jamais l'espace de vie en l'orientant sur les choses et non sur les personnes. Encore aujourd'hui, les pièces trop petites qui la jouxtent, obligent l'occupant à des détours sans fin pour circuler. La place qu'elle prend manque aux autres pièces qui du coup, ne sont pas assez fonctionnelles.

L'escalier extérieur a été utilisé à partir du moment où un ascenseur a pu faire le lien entre les étages. Les murs du rez-de-chaussé ont été construits en pierres et ceux du premier étage en agglos de terre cuite, mélange rassurant de solidité ancienne faite de calcaire local et de matériau moderne à la mode. Du coup, il a fallu des années pour trouver un mode de chauffage efficace au gaz, qui convienne autant à l'inertie de la pierre qu'à la souplesse des agglos et du plâtre.

Des planchers vitrifiés ont été posés sur d'autres planchers, les poutres étant masquées parfois par du lambris selon la mode des années 80, ou vernies quand les plafonds ne furent pas assez hauts pour supporter une telle innovation.

Des volets roulants habillent les ouvertures disproportionnées qui semblent plus cohérentes depuis qu'elles ont perdu leurs paneaux en bois étrangement pliables.

Un haut-vent a été construit pour protéger la porte du garage qui était fortement exposé aux intempéries étant donné son orientation, le peu de déport de la toiture et sa hauteur.

L'orientation sud-est fait face à la charente, certes, et il était impossible de faire autrement. Mais du coup, seul le mur nord-est n'a pas d'ouverture et est donc abrité du froid, tandis que la partie nord-ouest possède le plus grand nombre de portes et surtout de fenêtres. Il fallait que la façade principale soit face à la rue et en jette... qu'importe la déperdition thermique. Ce même côté est enfoncé dans le sol et heureusement que la bande de béton et le drainage de pierres autour de la maison ainsi que la roche en sous-sol protège des infiltrations humides, sinon ce serait la catastrophe. Les ouvertures au rez-de chaussée sont de petites fentes, pas désagréables à vivre quand elles donnent sur des chambres, mais auxquelles il a fallu ajouter des barreaux à la demande expresse des assurances, les temps ayant, ici comme ailleurs "évolués".

La toiture à quatre pans est d'une complexité ridicule et l'emplacement des nombreux conduits de cheminée illustrent à eux seuls, l'absence de rationalité de l'édifice.

L'espace attenant devait permettre de cultiver un large jardin. Or les enfants s'en sont allés loin. La maison s'est vidée et l'âge des occupants a réduit leurs ambitions. Certes elle est encore, à peu près entretenue. Et des abords aussi. Du coup, elle ne jure pas avec son environnement. Mais d'autres du même type, qui sont restées à l'état brut, même repeintes, ont révélé avec le recul toute l'hidosité du plan. Car l'incohérence est laide. Ici, le mélange "m'a-tu vu" moderne doublé d'un attachement désuet au passé souffre mal le jugement du temps.

Du paysannat à...

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