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Au fil de mes abandons et de mes (nobles) révoltes
10 février 2014

Rien n'est jamais acquis

J'ai découvert le football américain grâce à la série télévisée Friday Night Lights et ses 3 premières saisons fantastiques. Du coup j'ai regardé la finale du super bowl cette année.

M Manning est un grand joueur, ce genre de quaterback qui fait tomber la balle dans les bras de son receveur avec une précisision chirurgicale. Cette année, tout lui a réussi. Meilleur joueur de la saison, il mène une équipe, Denver, annoncée favorite face à Seattle en finale. C'est plié, ils vont gagner.

Mais voilà, rien ne se déroule comme prévu. Une organisation de jeu déplorable, un très grand coach en face, et la peur qui gagne, ce genre de frousse irrépressible qui prend le pas sur tout, et au 3ème quart temps, Denver est en déroute. M Manning n'arrive pas à croire qu'il va perdre, il tente l'impossible et échoue pitoyablement. Il est littéralement tétanisé. Rien ne lui réussit, à lui et à son équipe, et il ne voit même pas comment il pourrait s'y prendre pour faire autrement.

Durant quelques minutes, juste avant d'abandonner, et après avoir tant lutté, alors qu'il est en face de sa dernière chance de remonter au score dans ce match, l'expression de son visage et les mouvements désordonnés de son corps n'arrivent plus à masquer la panique qui le tient :

 

manning4

manning3

 

Là, il sait déjà qu'il a perdu, et l'amertume a pris le dessus.

manning1

 

 

Même dans nos domaines de prédilection, nous pouvons échouer. Des moments fatidiques comme ceux-là arrivent aux plus grands et peuvent nous arriver qui que nous soyons. Le destin apesantit sa lourde main sur nos vie et le doute emplit notre coeur. Nous nous laissons gagner par l'incertitude et alors, nous perdons plus qu'un simple match mais notre Foi en nous. Dans ces courts instants de terreur, tout se conjugue pour nous faire rater, tout ce que nous avions bâti semble s'écrouler, et pourtant, nous accédons ici à l'essence de notre condition humaine, si fragile sans Dieu.

Jamais un être humain ne devrait perdre la mémoire de cette fragilité inhérente. Elle n'est pas un empêchement à prendre des risques dans la vie mais la base d'une certitude intérieure apaisée et aventureuse : si les efforts que nous déployons pour y arriver nous appartiennent, nos réussites, elles, ne nous appartiennent pas.

Peyton Manning s'est élevé à force de maîtrise. Et il a conquis un niveau d'excellence rarement atteint dans ce sport où il a choisi de performer. Cependant s'il a basé sa réussite personnelle sur un travail acharné, des qualités d'intelligence et techniques hors normes, ce travail l'a rendu craintif face à la vie et aux échecs. Ce genre de joueurs pourra gagner de nombreux championnats, il perdra souvent en finale. Car à la fin, la maîtrise seule ne suffit plus. Pour réussir à ce stade et défier les lois du destin, il faut surajouter à cette excellence, une couche profonde d'humanité liée à notre divinité : la certitude que rien ne nous appartient, que rien n'est jamais acquis à l'homme (ni sa force ni sa faiblesse comme dit le poème d'Aragon). Il faut avoir atteint ce niveau d'abandon pour espérer maîtriser de tels évènements : le prix d'un sacrifice, total, celui du don de soi.

Seattle a gagné le match. Ils peuvent en être fier. Mais le destin était de leur côté. Ils ne pourront réellement connaître la victoire qu'en d'autres circonstances, celles qu'un Peyton Manning affronta ce jour-là.

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