Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Au fil de mes abandons et de mes (nobles) révoltes
8 novembre 2015

Trêve hivernale : Mamie tolère les coccinelles

Ma grand-mère qui est allergique à toute présence étrangère, en particulier animale, tolère pourtant les coccinelles. Elle écrase les punaises qui pourraient protéger ses plantes, elle peste contre les chiens qui viennent sur sa propriété sans toutefois avoir le courage de les faire fuir. Elle accuse les oiseaux des pires exactions envers ses arbres fruitiers. Personnellement, ce gros amas de bestioles m'inquiète un peu. Elle, cela lui a paru naturel. Ce sont des bêtes à bon Dieu et comme telle, elles sont sacrées. La tradition est ancrée profondément en elle. Dans son bestiaire imaginaire, chaque animal a une fonction unique et précise.

Les coccinelles mangent les indésirables. A ce titre, elles ont tous les droits. Les punaises squattent illégalement les maisons. Elles doivent être irrémédiablement exterminées tout comme les araignées qui sont sales. Pour les hérissons, elle doute encore. Elle sait que les vaches risquent de se coucher dessus le soir venu et attraper une infection. Seulement, elle n'est pas en possession d'un cheptel de bêtes à cornes dans son patrimoine et la question peut donc rester en suspens. Enfin les escargots si chers à notre région se mangent. Elle a deux recettes pour les cuisiner.

 

coccinelles2

 

J'ai beau lui expliquer que les punaises sont utiles au jardin, que les hérissons ne percent pas les vaches, que les chiens peuvent être chassés de la propriété, que les oiseaux font des dégâts limités chez nous, ou que les escargots sont parfois nourris aux produits toxiques et qu'autrement, il existe d'autres recettes pour les manger, elle n'en démord pas. Le monde est immuable pour elle. Elle fait partie d'une génération qui a survécu jusqu'à présent par esprit de conservation. Changer, ne serait-ce que d'une pensée, ce serait mourir. Elle n'accepte les nouveautés qu'après des années de proximité. Celles-là s'intègrent très lentement à son imaginaire.

 

La science nous explique que les espèces survivent par esprit d'adaptation. Elles survivent tout autant par esprit de conservation. Car les leçons de ma grand-mère, aussi idiotes paraissent-elles, ont aussi leur cohérence. Les coccinelles s'attaquent effectivement aux pucerons. Les chiens peuvent être enragés. Les hérissons sont de grands prédateurs des animaux du jardin. Les oiseaux peuvent détruire les récoltes et participer à la famine.

 

Tout chez ma grand-mère est ainsi. Elle est adaptée à un environnement de manque. La juger avec nos réflexes de gavés, c'est inutile. Elle a raison, tout autant que nous, peut-être même plus. Après des années, il est vraiment rageant de constater que par exemple, elle est parfois moins sensible que moi aux mensonges politiciens. Elle sait de manière instinctive où est son intérêt. Quand l'information devient contradictoire entre ce qui lui est fait et ce qui lui est dit, elle réagit. Elle accuse, elle se plaint, reliée qu'elle est à la terre de ses ancêtres, celle qu'elle a cultivé aussi dans le dégoût.

 

Publicité
Commentaires
Publicité