(Poème) J'ai eu mille vies
J’ai eu mille vies
J’ai chevauché le temps
Survolant des mers inconnues
Commandeur d’un avion en flamme
Pour relier des continents engloutis
Mes ailes brisant la houle
Ecumant les vagues
La grêle mitraillant mon cockpit
Aveugle et sourd à la fois
Perdu
Fétu de paille
Inconscient
Inquiet par temps calme
J’ai touché des soleils à mille lieues de moi,
Et cette création gigantesque
Entre mes doigts
Mon tombeau.
Ô Christ, entends ma voix
Ô Dieu ne m’abandonnez pas
Ô Esprit Saint guidez mes pas.
Combien de fois ai-je crié de rage dans mon désespoir !
Quand le chemin s’effaçait
Et que je payais le prix de mes mauvais choix,
Geignant d’impuissance
Parce que le mal.
Jusqu’à ne plus être ému à la vue de la voie lactée
Prisonnier de mes douleurs
Esclave de mes pensées
Médiocre
Persuadé de ma grandeur
Sans savoir
J’ai réussi à me poser sur le sol ferme avec mes réacteurs en feu
L’avion en état, je suis reparti.
Sans savoir
Fuyant l’espérance par peur d’être blessé
Trop faible pour être humble
Trop bête pour être humain
Pécheur noyé, poisson volant
Insistant
Moitié de dieu, bâtard.
Morbleu
Tous ces vols
Pour en revenir à l’enfance
Je comprends ceux qui doutent de Dieu
Nous sommes les jouets de ses exigences
Au mieux
Quand nous en avons conscience
Ou révoltés incrédules face à sa providence
Au pire.
Et pourtant
Nos deux pieds ne nous invitent-ils pas à voler?
Naviguer entre ciel et terre ?
Nous élever, eux qui sont si terre à terre ?
N’ai-je pas accompli là ma vocation d’impuissant ?
J’ai eu mille vies
Je n’ai pas avancé
Je continue à voler
Mort né
Je peux vous quitter
Un instant
Quand le ciel le voudra
Libéré
Fendant la bise
Encore une fois.