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Au fil de mes abandons et de mes (nobles) révoltes
7 mars 2017

Le Carême catholique

Quand des néophytes entendent parler de Carême et qu’ils sont à côté de moi, me sachant catholique, ils me demandent « C’est comme le Ramadan ? » En vérité, pas du tout. Il ne s’agit pas de se priver de nourriture durant le jour, puis de faire une grosse teuf la nuit, même si le concept est intéressant. Le Carême c’est du sur mesure, une démarche peut-être un peu trop individuelle dans notre monde individualiste, mais tellement importante pour s’ouvrir à Dieu. Pratiquement, il s’agit de se priver du superflus et même de l’essentiel pour le consacrer à la prière et donner les fruits de cette privation à ceux qui en ont besoin. Or ce qui peut se résumer en une phrase n’est pas si simple à appliquer dans la réalité. D’où mon désir de vous transmettre ma petite expérience. Quand , j’ai commencé, il y a plus de dix ans de cela, j’ai connu la solitude. A l’image de notre monde, notre Eglise considérait que tout devait venir naturellement. Elle comptait beaucoup sur l’Esprit Saint. Les règles du passé étaient inutiles, voire un frein à l’épanouissement personnel.

 

Depuis, les mentalités ont un peu évolué. De plus en plus de gens veulent redonner sens à leur vie et utilisent le Carême à cette fin. Les moyens et les fins vont ensemble. Ainsi, l’Église commence à redécouvrir son héritage. Pour apporter ma petite pierre à notre grand Edifice, voici donc ce texte qui a pour but d’éviter à d’autres, les erreurs grossières que j’ai pu commettre débutant, erreurs qui ont pu me coûter cher comme je vous l’expliquerai plus loin.

 

Premier conseil : commencer modestement la première année : le jeûne est sérieux. Mal conduit, il peut entraîner des désordres et des carences importantes. Pourquoi ne pas se priver que le vendredi par exemple, ou que la semaine Sainte ? On ne peut pas tout avec son corps même jeune. Si vous avez trop mal à la tête, si votre fatigue est excessive, si vous tombez malade, c’est le signe d’un jeûne raté contrairement à ce que vous diront de mauvais naturopathes. Vous n’éliminez pas les toxines, vous engrangez les carences. Le but n’est pas la mortification pour la mortification, il est de se construire, pas de se détruire. Le jeûne fait du bien au corps, il fait du bien à l’esprit, il fait du bien à l’âme. Si la souffrance n’est pas absente du jeûne, c’est Dieu qui doit être recherché. Et nous sommes importants aux yeux de Dieu. Il nous demande donc des efforts autant que nous pouvons en faire. Pas au-delà. Et sur ce chemin, il vaut mieux pécher par défaut que par excès. Car l’excès de jeûne dégoûte, ou bien fait entrer le diable dans le coeur, par un orgueil démesuré.

 

- Le dimanche, c’est pas Carême. Profitez-en ! Profitez même de ce jour de mi-carême si votre jeûne est exigeant. On se sent bien en période de jeûne, mais cela fatigue, même quand on ne s’en aperçoit pas, et il faut tenir sur la longueur ! Pour info, le jour commence à la tombée de la nuit chez les catholiques. « Qu’est-ce qu’il me veut ce type ? » Eh oui, le début du jour à 00h00, cela n’a aucun sens. Par contre le coucher et le lever des astres, en ont. Le jour commence donc la nuit, pour nous, et se termine par une belle journée, car il faut bien que le monde aille de l’obscurité à la lumière (enfin pas chez tout le monde). Cela signifie que le jeûne est fini le samedi soir au coucher du soleil et qu’il reprend le dimanche soir au coucher du soleil durant la période de Carême. Cela m’a sauvé bien des fois de pouvoir faire la fête : on ne se corrige pas si facilement.

 

- Jeûner de quoi ? Il y a des jeûnes matériels que je connais un peu mieux (privation de nourriture…), mais aussi symboliques (télévision, soirées avinées, propos dérisoires etc.) que je découvre ces dernières années. Tout dépend de nos mauvaises tendances, combien nous en avons conscience et à quel point nous désirons les combattre. Personnellement, j’aime la bonne chair. Le jeûne de nourriture est souvent une bonne chose pour moi surtout que je vis au milieu dans une société de (sur)consommation. Mais par exemple, si vous êtes anorexique, le jeûne se fera à l’envers : beaucoup manger, se forcer à ingurgiter de la nourriture. Tout dépend. Je me rappelle d’une amie dans un groupe de jeunes professionnels qui nous disait que le jeûne de chocolat, c’était déjà risquer la dépression pour elle. Là encore, nous n’avons pas tous les mêmes moyens, et si nous sommes égaux devant Dieu, Il a voulu nous faire très différents. Les petits jeûnes de mon amie valait bien ceux de certains moines au désert. Comprenne qui pourra.

ATTENTION : Une Sainte affirmait avec raison que le jeûne est mauvais pour les orgueilleux. Avec les années, j’ai compris. Mais les difficultés que j’ai rencontrées, m’ont justement permis de combattre mon orgueil et de m’en remettre un peu plus à Dieu. Méfiez vous donc particulièrement de vous si vous commencez un jeûne parce que vous avez besoin de vous faire mousser, comme je l’ai fait. Loin d’en retirer des bénéfices spirituels, vous provoqueriez désordres et incompréhensions autour de vous.

 

- La trilogie PPP : Privation/Prière/Partage : c’est le triptyque que l’Église nous propose et qui nous invite à réfléchir par rapport aux moyens que nous nous donnons durant le Carême. Pour résumer grossièrement, la privation doit être compensée par plus de prière. Et le plus de prière doit entraîner plus de partage (charité). Ce sont les 3 axes du jeûne catholique durant ces 40 jours.

 

 

A quoi ressemble mon désert actuel ?

 

Par exemple, personnellement, je remplace le repas du soir et du matin par la lecture et la méditation des textes du jour de notre très Sainte Eglise catholique. 5 à 15 minutes, c’est extraordinaire ! J’ai aussi choisi de ne plus communier durant cette période. Nous ne pouvons pas vivre sans Dieu, certes. Mais tant de fois nous refusons sa présence, qu’un peu de contrition peut nous aider à en prendre conscience, et à mieux L’apprécier lorsqu’Il nous est donné. Tel est le désert que je me suis choisi ou tout au moins, à quoi il ressemble.

 

Pour l’instant, mon Carême est formidable. Mais je ne vous dis pas que d’autres années, il n’a pas été plus troublé, que je n’ai pas été perdu, en colère, triste, apeuré, ou qu’il ne va pas se finir différemment. Cela dépend du chemin. De toutes les manières, ça se termine bien : par la résurrection ! Le Carême n’est pas le même selon notre expérience, les embûches que nous rencontrons, nos péchés, nos désirs. Il n’est pas possible de savoir à l’avance ce que Dieu veut pour nous, si ce n’est notre réalisation personnelle pleine et entière. Or cette réalisation passe par bien des abaissements, et de l’écoute, des instants déstabilisants, et oui, des remises en question, de nous, de notre vision du monde (le monde des bisounours n’existe pas, vous le savez?).

 

Une phrase que j’ai découverte cette année : « Durant le Carême nous devons apprendre à recevoir la parole de Dieu, comme nous recevons la nourriture habituellement ». Autant dire avec avidité en ce qui me concerne.

 

 

Et le rapport avec vous ?

 

Il faut savoir discerner les signes qui vous aideront à grandir dans un abandon complet à Cet Inconnu, j’ai nommé Dieu. Pas facile. La grâce est donnée à profusion, mais nos moyens de l’accueillir sont limités. Bon, par exemple, si vous m’avez lu jusque là, c’est parce que vous êtes déjà en chemin. Comme moi, votre recherche vous conduira certainement à vous imprégner de l’expérience d’autres qui vous parleront. Ces phrases prises de ci de là, seront alors de petites miettes qui vous feront retrouver votre chemin au milieu du bois. Tout comme le petit Poucet, en vous privant d’un peu de nourriture, vous pourrez dès lors retrouver la maison. Les parents du petit Poucet ne l’ont pas abandonné, ils l’invitent à grandir. Nous pouvons voir l’abandon, ou bien nous pouvons voir l’élévation. A chacun de choisir, et de suivre ou non, les signes. Durant le jeûne, les catholiques quittent un peu la maison de Dieu et s’installent au désert, pour suivre Jésus, et ils grandissent alors en Foi.

 

 

- Pratiquement : se priver de viande ? Oui pourquoi pas. De poisson, d’oeuf aussi. L’Église demande un tel jeûne le mercredi des cendres (entrée en Carême) et le Vendredi Saint.

 

Mais pourquoi pas se priver de sucre, de sel, de vin, de beurre, de fromage, d’huile, ou de chocolat ? Le sucre, ce sera toujours un gros soulagement pour votre corps sauf si vous êtes diabétique. C’est aussi vrai pour le sel sauf si vous n’avez pas assez de tension.

careme

Quant au gras en général, cela vous fera maigrir surtout si vous conservez une activité physique modérée, ce que je vous conseille. Vous vous apercevrez alors combien nous avons besoin de peu pour vivre et combien nous nageons dans le superflus dans nos sociétés sédentaires. Deux derniers conseils en matière d'alimentation : hydratez-vous pour être en bonne santé. La chicorée est pleine de magnésium. Même sans sucre cela vous fera un bien fou. Certains jeûnent d’eau, je n’ai pas expérimenté. Cela me fait peur. Enfin, n'hésitez pas à manger des noix. Ramassées en automne, elles seront à point en cette période de l'année, et procurent une forme de satiété incroyable. La générosité de la nature...

 

- Jeûne spirituel contre jeûne matériel ? Le jeûne spirituel d’accord, mais s’Il y en a un qui nous a appris que corps et esprit étaient liés, c’est bien Jésus. Dès lors, la privation matérielle vous fera accéder à des biens spirituels, et inversement. Il suffit d’amorcer la pompe.

 

Instant de désert : un moine m’avouait ne pas comprendre ma démarche. Mon jeûne lui paraissait un moment de plaisir, de coaching nutritionnel, et non une entrée au désert. Je désirais me satisfaire personnellement, je n’allais pas vers Dieu. Il ne me l’a pas dit pour moi personnellement, mais voilà tel qu’il le ressentait pour lui. Dès lors, je me pose souvent la question : les nombreux plaisirs que tu éprouves durant le Carême sont-ils justes ? Ces privations qui te font du bien, sont-elles vraiment des privations ? Et l’orgueil ? Je n’ai pas encore toutes les réponses. Cela fait aussi partie prenante du Carême : il faut accepter l’incertitude et ses propres limites. Je sais que je ne jeûne jamais tant que lorsque je m’oublie pour quelqu’un que je réprouve. Un comportement inattendu face à la faiblesse, la destruction, le mal, aller contre-courant de ses mauvais sentiments, voilà le chemin qui m’est offert pour les prochaines années. Si je souffre beaucoup durant ces instants là, et à cause de mes mauvais penchants, je sais aussi que Dieu a le don de pouvoir me faire passer toutes ces épreuves avec la plus grande facilité. Quand je réussis à me confier à Lui, tout va pour le mieux. Les sacrifices appellent la prière, qui font venir la grâce. J’ai pour idée que la souffrance doit amener la résurrection et non l’inverse.

 

- Ne pas se couper des autres. Erreur de débutant, lorsque j’ai commencé le jeûne les premières années, j’ai voulu épargner ma présence à mes collègues. Cela me semblait plus simple que de « leur imposer mes croyances ». Je ne voulais pas me glorifier de mon jeûne non plus, comme Jésus nous l’enseigne. En fait, je marquais ainsi une forme de supériorité morale ; je me coupais d’eux sans raison apparente, par mépris. Dans un milieu laïcard, je n’avais pas jugé opportun de m’assumer. Grosse erreur. Ce comportement me rendait suspect, plus suspect que si je m’étais expliqué, et m’a même causé des ennuis à cause d’incompréhensions bien prévisibles. Jésus n’a pas mangé avec les pécheurs pour des prunes. Montrer l’exemple est important. Montrer que les autres sont importants pour vous est encore plus important. Si vous faîtes passer votre jeûne avant les autres, vous aurez tout raté. Ils comprendront que vous êtes un égoïste, ce que vous serez bien. Le désert est intérieur. Il ne faut pas le faire autour de soi.

 

Des fois, il m’arrive même de manger avec les autres et comme les autres. C’est selon les circonstances et comme on le sent pour faire bien. Ne jamais aller au-delà de ce que les autres peuvent ou veulent comprendre, est une règle importante pour bien vivre son jeûne en société, dans le respect de tous. Ainsi, le jeûne n’est pas forcément un moment de retrait du monde, il peut aussi être moment d’affrontement avec lui, et parfois, il faut l’envisager, de défaite. Cependant, avec la grâce de Dieu, il n’y a pas de défaite qui ne se transforme en victoire.

 

Autre petite histoire qu’on se raconte entre catholiques : imaginez, vous arrivez en plein désert pour rencontrer ce célèbre ascète connu pour être un Saint. Et là, foin de privations, mais jambons à profusion, élixirs à volonté, bombance au déjeuner et au dîner. Vous repartez en vous disant que ce moine est un sacré gourmand, que ces centaines de kilomètres à la marche pour le rencontrer ne valaient pas le coup, et que ce sont bien tous des hypocrites dans l’Église.

 

Vous auriez alors manqué l’essentiel.

 

Le moine vous a donné le meilleur de ses réserves. Il va devoir se priver à cause de vous durant plusieurs semaines. Il s’est sacrifié pour vous offrir ne serait-ce qu’un bon moment.

 

Morale de l’histoire : le jeûne n’est pas toujours où on le croit.

 

Pour finir, j’aimerais vous avertir. Plus que la souffrance et les privations de nourriture qui ne manqueront pas de faire crier votre ventre et le serpent en vous, le jeûne peut et doit être un moment d’enrichissement et de questionnement. Le diable vous tentera alors de bien des manières, peut-être pas par la nourriture. Des idées bizarre resurgiront, de l’exaltation, de la culpabilité, de la fierté mal placée, des fantômes du passé ? Ce sera le moment de vous ouvrir à Dieu dans un élan de confiance. Il n’y a pas d’épreuves qu’Il ne pourra vous faire franchir.   

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